Au détour d’une collaboration avec mon binome Rétrocolorz, j’ai eu la chance de rencontrer Jean Marc et Cécile Moutet de la Ferme théâtre, à Lablachère.
J’avais dans un article précédent amorcé une approche à leur sujet. Mais pas celle du spectacle que joue Jean Marc depuis 20 ans : « Jean d’ici, Ferrat le cri », sous le direction technique de son épouse Cécile. Même s’il a évolué, voilà 20 ans qu’il répète son texte, inlassablement, avec tendresse, délicatesse, passion, poésie, avec une forme de vulnérabilité également. Car à ce moment, Jean Marc n’est plus et fait place à Monsieur Ferrat. En effet, Jean Marc accueille son public avant spectacle, dans la cours ombragée de la ferme puis s’échappe quelques instants pour se préparer, se parer de ces quelques artifices indispensables qui vont lui donner l’apparence bluffante de Jean Ferrat. Ainsi, accessoire par accessoire, sourcils maquillés, moustache collée qui impose de longs mouvements de bouche, tels des manies, pour préserver son confort de diction, un tee shirt, une chemise, et enfin la perruque, il se glisse lentement dans la peau de son personnage.
Alors que le public patiente, assis dans cette pièce voutée, tempérée et intimiste, Cécile ajuste les dernières commandes des tables de mixage son et lumière.
Jean Marc se devine dans la vitre de la porte fenêtre, dehors, dans la cours. Maintenant qu’il aperçoit le reflet de Jean, il peut entrer en scène.
La démarche élancée et ancrée dans le sol, Jean traverse la salle et arrive en scène. Il nous raconte son histoire, ses parents, ses amours, ses engagements, ses rencontres, ses peines et ses joies. Ses premières auditions, ses échecs, la première chance qui lui est offerte et qui va enclencher cette carrière qu’on lui sait. Il nous chantera quelque morceaux que l’on connait par cœur, que l’on découvre ou redécouvre. Jean nous retourne, il nous prend et nous embarque dans son monde avec sensibilité et surtout : avec sincérité. Ces gestes sont sublimes, ronds et dirigés vers l’horizon, vers une forme d’éternité. Et ses manies de postures, ses talons qui se décollent sensiblement lorsqu’il évoque un souvenir, ses mains dans ses poches, ses épaules qui se haussent volontiers, ce manque de droiture posturale dans un un corps tout à fait intègre. Nous y sommes.
On part loin en compagnie de Jean et Jean Marc. Il n’existe, je pense, aucun moment qui ne nous émeu pas. Je suis persuadée que nous avons tous un instant qui est nôtre, celui où notre gorge se serre, où nos yeux brillent, piquent, jusqu’à essuyer nos larmes, celui où on se sent pénétré d’un chagrin, celui où la nostalgie nous envahie, ou quelque chose qui lui ressemble. Il nous brasse, c’est certain.
Cécile me dit qu’à chaque fois, depuis 20 ans, il n’y a pas un spectacle où, à un moment très précis, elle est emplie d’une émotion qu’elle ne sait expliquer.
Participer à ce spectacle, c’est aussi l’opportunité d’écouter, en conscience, les propos de Jean Ferrat, sans détour, sans chichi, sans fantaisie, chargés de sincérité, d’un homme visionnaire, incorruptible.