Courage & dévouement
Il ne s’agit pas vraiment de changer de sujet. Non. La démarche est la même, témoigner, remuer les consciences, évoquer la relativité des choses. Ce sujet porte sur des personnes à priori ordinaires. On pourrait tout à fait banaliser leur activité. Pourtant, ce sont des hommes, des femmes qui vivent une certaine abnégation et vont se mettre en danger pour le bien de leurs semblables. Assurer les premiers gestes. Rassurer. Secourir. Faire le job diront-ils, eux aussi, humblement.
Mais pas que… Vivre aussi et sûrement des états d’être qu’ils ne retrouvent nulle part ailleurs et stimulent leur adrénaline.
Amatrice de sensations fortes et de considération d’autrui, j’ai touché du bout des doigts ces états en leur présence et dans ce contexte.
Cinquante heures
Initialement programmée pour 24 heures de reportage, ce sera plus de 50 heures d’immersion à la caserne des Sapeurs Pompiers (SP) de Saint Ambroix, sous la direction du Lieutenant Frédéric Dalcerro et en accord conventionnel avec le Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS30) dirigé par le Colonel Jean-Michel Langlais et avec pour interlocuteur : Eric Agrinier, Lieutenant Colonel du groupement Citoyenneté – Volontariat – Communication.
Cinq gardes. Une trentaine de volontaires et professionnels rencontrés.
Avant toute chose, bienvenue dans le monde des acronymes. Bonne chance à tous !
Une caserne semble être une machine où chaque rouage est parfaitement huilé, chaque pièce magnifiquement ajustée. Chacun connaît son job, respecte une hiérarchie stricte sans pour autant être des militaires. Jérôme, adjudant professionnel, me fait visiter l’intégralité de la caserne et m’explique tout. Une somme d’informations impressionnantes, passionnantes et précieuses. La remise, les véhicules et leur fonction, la salle de sport, le foyer, les différentes chambres attitrées selon le rôle distribué lors de la garde, le matériel pour les feux urbains, les incendies, les accidents de la circulation. J’en passe. Les vestiaires sont aussi un espace touchant, habité et investi. Je crois d’ailleurs reconnaitre une photo que j’ai faite au service des urgences du Centre Hospitalier d’Alès Cévennes (CHAC) collée sur la porte d’un casier dédié. J’y trouve de l’histoire, de l’attachement, de la sensibilité. Le vestiaire de Leslie est d’ailleurs un véritable musée.
Je découvre que les pompiers sont des agents territoriaux avec pour devise « Courage et dévouement », alors que la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP) et le Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille (BMPM) sont des militaires qui s’attachent à celle de « Sauver ou périr ». Régulièrement Jérôme se réfère également à ces deux maîtres mots : « ça dépend » – « on s’adapte », mais aussi à un article essentiel dans ce monde, l’article 22 : « Démerde-toi comme tu peux ».
Loin des réunionites, chaque jour ça briefe, ça débriefe sur l’opérationnel, les temps forts, les changements de garde, d’équipe : c’est efficace, on va à l’essentiel. Ces moments se déroulent tantôt dans la remise, tantôt dans un espace de vie : le foyer. Professionnels et volontaires se mélangent. Certains professionnels assurent des gardes en qualité de volontaires. Il n’est pas non plus rare de retrouver des soignants troquer leur blouse blanche pour un uniforme bleu marine quand ils ne sont pas infirmiers SP. Il existe aussi ces espaces ouverts au dialogue afin de ne pas scléroser des expériences violentes et traumatisantes. Déstigmatiser. Enfin, autant que possible.
Dans la pose du cadre, une résidente privilégiée habite la caserne : Nikita. La chienne fait partie des meubles et nous suit partout au sein du lieu. Nikita, force tranquille, coqueluche de tous, a été recueillie lorsque son maître est décédé.
Être pompier dans la caserne de St Ambroix, c’est aussi être considéré en qualité d’Homme à part entière. Il n’y a pas de laissé pour compte ; même les plus anciens conservent une place à part entière de manière à garder un contact avec ce qui les anime, les fait vibrer. Serge assure ainsi le standard, il garde une place importante au sein de la caserne et cela fait de lui un homme fort heureux et investi.
Quand il n’y a pas de sortie, il y a manœuvre : actualiser en permanence ses connaissances pour une intervention, sur l’utilisation des matériels, vérifier systématiquement l’équipement complet de chaque véhicule. Rien n’est laissé au hasard, rien. C’est ici que j’observe deux Jeunes SP en formation, Léo et Axel sur une manœuvre de feu urbain. Si jeunes et progressivement confrontés à de dures réalités. Un accoutrement fort complexe, encombrant et pesant. Une connaissance de soi, de sa capacité respiratoire sous Appareil Respiratoire Isolant (ARI), la gestion de son stress de fait, etc. beaucoup de données qui nous échappent.
Je suis impressionnée et me nourris de cette somme d’informations.
Alors bien sûr, je ne souhaite pas jouer au scrabble pendant cette immersion mais plutôt appréhender la vie d’un sapeur pendant quelque temps, saisir les enjeux physiques, émotionnels et psychologiques. Prendre quelques claques également au passage et vérifier ma capacité à m’investir éventuellement dans ce monde.
Un équilibre instable
Passées la visite, la manœuvre, la prise de contact avec tous, l’après midi s’achève sans sortie. J’ai pris mes marques.
Alexandra, la jeune Caporal, m’incite à rester cette première nuit, au cas où… Il suffit d’une fois pour me convaincre !
On s’installe dans le lieu de vie. Ici trône une grande photo d’un Jeune SP parti à l’âge de 18 ans, celle d’une mascotte également disparue ; un grand espace de repos avec des canapés que Nikita rêve d’investir, une immense table pour se retrouver : c’est le foyer. On commande des pizzas, on prépare des repas avec l’idée qu’on ne mangera peut être pas et cette incertitude me plaît énormément. Tout peut bouger à tout moment… Cet équilibre instable, cette flexibilité permanente, cet anti routine. Cette ambiance est tout à fait manifeste, c’est une énergie tangible qui règne au cœur de la caserne. Les relations sont simples, humaines, ouvertes à autrui, je me sens bien. C’est un peu comme à la maison.
Le Centre de Traitement des Appels Unique (CTAU) appelle. Le ticket de départ arrive et nous indique l’essentiel des informations pour une intervention. Le Chef d’agrès définit l’équipe, les moyens à mettre en œuvre.
Et comme il faut une première, mon bizutage se fera via un fécalome…
– OK pour moi ! Mais au fait, c’est quoi un fécalome ?
– Hum, c’est quand les excréments ne peuvent plus sortir par le rectum et empruntent un autre chemin, ou créent une occlusion ! Bien sûr cela m’a été annoncé avec beaucoup plus de poésie !
– Soit. Je suis prête à tout, je suis là pour ça.
Arrivés sur place, la victime nous avait épargné les détails. Cette intervention se présente finalement comme une visite médicale tout à fait ordinaire et s’enchaîne avec une autre visite à domicile pour un léger malaise. Rien de fou. Je découvre toutefois l’intimité des victimes. J’y reviendrai.
La soirée est calme.
Je dors peu, je suis excitée, prête à partir…
Le jour se lève, nous ne sommes pas sortis. J’ai somnolé.
7 heures 15, je suis sur le pont, dans les starting-blocks, prête à œuvrer.
Faire sens, constater
La journée débute par une drôle d’incohérence lors de cette première intervention chez des particuliers : une suspicion de covid +. Les SP ont revêtu leur fameuse combinaison blanche, les gants, le masque, alors que la famille qui alerte ne se protège pas. En revanche quand il s’agit de tenter de mettre à défaut les SP qui viennent à deux voitures, là ils savent se conduire de manière fort désobligeante… J’ai la chance d’être conduite par Sylvain dans le Véhicule léger utilitaire (VLU), ne pouvant monter dans le Véhicule de Secours et d’Assistance aux Victimes (VSAV) cette fois. C’est l’occasion de parler de ses temps forts de carrière, la vache ! C’est du lourd, de l’innommable. Des expériences avec lesquelles il faut vivre et composer. Des choses qu’on n’image même pas, des détails qui ne font pas partie de notre réalité. L’indicible. L’horreur.
Être SP c’est se rendre sur un lieu avec des indications sommaires. La réalité, le contexte, l’environnement, l’évolution de l’état de la victime ne sont pas pris en compte ni déterminés dans le ticket de sortie. Ainsi, une intervention qui s’annonce simple peut devenir un véritable casse-tête.
Être SP et infirmier SP, c’est être en première ligne, c’est tout prendre de plein fouet, en pleine face, sans préavis. Évoquer les détails serait hors de propos et déplacé.
Nous partons au CHAC et la boucle est bouclée : je retrouve les urgences où j’ai aimé traîner mes boîtiers, je prends la mesure de cette grande et même famille. Comme me l’indique Serge Sirvain qui n’est jamais bien loin « ce sont les mêmes personnes, seule la couleur de l’uniforme change ». C’est si juste… Aussi, le SP fait la transmission comme je l’avais évoqué dans le volet IV « Jamais assez, jamais«
Être SP c’est aussi se déplacer à quatre (six présentement) pour un « bobo » au genou sur la voie publique. La bobologie. Pour être simplement présent pour des personnes quelque peu en détresse, ivres, qui, au lieu de prendre le chemin de leur domicile empruntent celui du café du coin… D’où ils venaient somme toute.
Être SP c’est intervenir à un moment donné très précis et ignorer le devenir de la victime. A la différence des soignants qui assurent un suivi. Le SP fait le lien entre le domicile, le lieu d’accident et la prise en charge médicale. Le job s’arrête ici.
Etre SP c’est opérer à 85% sur du sanitaire (intervention chez le particulier, accident de la vie privée), 7% en feu urbain, et 8% sur des accidents de la circulation, les feux de forêt et les interventions diverses.
L’accouchement n’est rien
A peine arrivés à la caserne, nous voilà repartis pour une luxation du genou. La victime se baigne tranquillement avec son mari et ses deux filles. Elle rentre chercher quelque chose chez elle, glisse, fin de l’histoire. Hurlements, gémissements, cette femme prétend qu’accoucher n’est rien au regard de ce qu’elle est en train de traverser. Son mari est démuni, désorienté, à fleur de peau, pendant que les deux petites jouent dans le jardin malgré tout. Préserver les enfants, c’est ça. Telle qu’elle est positionnée, la situation n’est pas fort aisée. Nous mesurons tous sa souffrance et il va falloir pourtant agir. Mais en son temps. Pour l’heure il est tout à fait impossible de tenter quelque manipulation que ce soit. À ce moment, je me sens tellement investie dans mon travail, engagée, à ma juste place. Je me sens efficace tout autant que je me sens empathique. J’adore ce que je fais.
L’infirmière et le médecin arrivent enfin pour la sédater généreusement. Les manipulations deviennent alors envisageables et au détour d’un geste, le médecin replace le genou dans son axe. Arrive le soulagement… Cette fois je monte dans l’ambulance et nous accompagnons la victime au CHAC qui semble oublier sa mésaventure et prend la pose au moment de monter dans le VSAV.
J’admire mes collègues éphémères pour leur adaptabilité, leur empathie, leur sympathie, leur bravoure, leur justesse. La considération d’autrui.
– Anne Marie est de garde ce soir, tu restes ! Me dit Samehra
– Mais bien sûr !
Le bonheur !
Anne Marie Hillaire est ma cadre sup préférée des urgences du CHAC. Anne Marie est aussi infirmière SP et c’est elle qui a assuré la mise en relation pour que ce reportage existe. J’adore ces liens, cette logique, ces boucles qui se créent.
Brancard cuillère, MID, renfort, crac
Cette nuit, c’est la rencontre de Franck et ses centaines de voitures miniatures montées les nuits de garde…. Franck ne dort pas, c’est plus simple. Franck est calme et rassurant. Il y a aussi Sébastien au caractère bien trempé. Tous deux volontaires travaillent au SAMU… Une belle équipe pour une nuit qui sera courte.
En attendant les garçons s’adonnent à des challenges sportifs de haut vol mais fort drôles. Leslie et Anne Marie se bidonnent et filment l’exploit de Thomas qui ne lâche rien. L’ambiance est familiale, et toujours ce départ imminent qui plane en fond de tâche, incontestablement, indubitablement.
Il ne se passe rien. Je vais me coucher. Tout est ok pour partir à tout moment.
5h10 … Toc toc toc
– Inter !
– ok !
Je saute dans mon pantalon lui aussi prêt à partir, j’enfile mon Gilet Haute Visibilité de SP (GHV), je prends mon boîtier… C’est parti !
Sur la route, dans le VSAV, je découvre l’info : suspicion de luxation de la tête du fémur. La victime est une femme. Décidément… Arrivés sur le lieu, c’est juste le bordel… La porte doit mesurer 63 ou 73 cm de large avec un angle juste impossible pour appréhender le passage d’une civière. La position assise n’est même pas envisageable. La maison est surélevée et la fenêtre est facilement à 2 mètres du sol. En gros : c’est la merde, parlons franchement.
Là, c’est le moment précis où j’ai une pensée émue pour les architectes et autres promoteurs. Je note pour plus tard « portes larges, plain pied »…
Le fameux terme adaptabilité prend tout son sens. Mes collègues tentent un semblant de manipulation juste impossible. La victime évoque porter une prothèse et connait la douleur de la luxation pour l’avoir déjà vécue ; ce ne serait pas cela. De toute évidence nous avons besoin de renfort et la deuxième équipe nous rejoint. Les sapeurs essayent envisagent moult possibilités de matériel pour qu’elle devienne déplaçable, tentent de placer le brancard cuillère. La douleur est insupportable. Un crack très distinct éveille l’idée que cette fois-ci elle est clairement luxée. Mon premier diagnostique de photographe.
Anne-Marie et le médecin arrivent et c’est une dose de cheval qui lui sera injectée pour enfin pouvoir la manipuler vers le Matelas d’immobilisation à dépression (MID). À défaut de casser la cloison, c’est par la fenêtre que cette dame sera délivrée pour partir elle aussi aux urgences…
C’est ici qu’une simple luxation probable devient un véritable parcours du combattant. Il nous aura fallu plus de deux heures pour faire face à cette situation. De la même manière, nous partons au CHAC et la procédure est là même.
Histoire de varier les plaisirs
Retour à la caserne, petit débrief et c’est reparti pour une suspicion d’AVC. Cet homme est connu d’un SP. Il lui porte le calendrier chaque année et fait partie de ces rares personnes qui le visitent, lui tiennent compagnie quelque temps… L’adjudant David semble soucieux. Il n’a pas le temps de me déposer qu’il revient me chercher cinq minutes après avec le VLU, dans l’urgence pour un autre AVC. Je cours aussi vite que je peux, je prends très à cœur mon engagement et le temps qu’ils m’accordent, je grimpe dans voiture, la « deux tons » (sirène) au taquet… On perd de vue le VSAV qui a pris de l’avance, on est en aveugle…
Ici, exactement ici, je découvre les incivilités, ceux qui refusent de céder le passage et accélèrent quand on veut les doubler. Ça me rend dingue !
Expérience oblige, connaissance du paysage local, de la population, David saisit rapidement par déduction où se trouve la victime.
L’homme est très âgé et fort amoché. Hier encore il parlait. Son élocution est tout à fait remise en cause et pour l’heure on ne le comprend plus. Les gestes des SP sont différents cette fois. Une lampe vers l’œil pour évaluer les reflex. Le pronostique n’est pas bien encourageant.
Direction Alès de nouveau sous la direction de Franck qui assure l’opération, deux tons en route, on veille à ne pas perdre de temps. Mais le mal est fait.
La cerise sur le gâteau
De retour à la caserne, le rythme s’adoucit. Il serait peut être temps que je rentre… J’ai eu la chance d’observer différentes situations, certes pas d’incendie, pas de catastrophe naturelle, pas d’accident de la route, mais bon…. St Ambroix est une petite caserne… Je peine pourtant à partir…
D’un coup d’un seul le ciel se couvre la lumière s’efface mais un SP nous affirme que la pluie ne vient jamais dans ce sens… Un nuage noir vient couvrir le ciel telle une couverture et c’est la tempête. La fameuse tempête du 2 juillet 2021…
Des seaux d’eau tombent au sol. Les arbres se couchent. Waouh ! Tout va terriblement vite.
– Tu peux te préparer à sortir !
– Ok ! Je reste !
Au vu de l’événement, les sapeurs savent qu’ils vont sortir de toute évidence.
Il faut impérativement trouver et mobiliser les renforts, solliciter les sapeurs disponibles. Les lignes dysfonctionnent en même temps que les appels affluent. C’est le chaos. Tout le monde se mobilise, on prépare les équipes, les sapeurs de deux autres casernes ne tarderont pas à arriver pour prêter main-forte. C’est le gros bordel et pourtant tout le monde veille à rester calme, concentré sur l’efficace, l’opérationnel, l’adaptabilité.
Frédéric Dalcerro nous rejoint. Il sourit généreusement de me voir encore dans les locaux et propose de m’embarquer en reconnaissance. Je suis ravie. Les communes voisines sont à l’envers et déjà les premières équipes dégagent les routes.
On nous indique un poids lourd renversé et un camping-car bloqué au bout d’un chemin. Effectivement arrivé sur place dans la commune voisine, nous constatons que le vent a renversé un camion de forains, c’est assez impressionnant. Nous nous engageons en voiture en direction de ce fameux camping-car mais rapidement la route est encombrée par des arbres tombés, nous devons continuer à pied. Alors, Frédéric, machine de guerre d’1m85* minimum, tout en muscle, de grandes jambes bottées, crapahute partout. Sorte de RoboCop Gardois. Pour ma part, 1m57 maximum, parodie de machine de guerre, en basket ! Je me compare à un cabri qui sautille et suit lamentablement son berger. Quand il enjambe les troncs couchés, je fais un exercice de barre fixe… Je note pour plus tard de m’acheter des bottes de sapeur ! Acheter des jambes également… La scène que j’observe est tout à fait causasse et m’amuse.
Si l’exercice est périlleux, nous arrivons en même temps, je ne lâche rien pour finalement découvrir un camion avec une installation coquette de palettes, de chaises, de vaisselle. Des squatters. Camion inoccupé lors de notre passage. Nous avons clairement perdu notre temps au détriment de situations plus importantes. Plus de deux kilomètres de marche dans la brousse : pour rien. Et même plus que rien : vraiment rien.
Nous visitons les élus des communes alentour pour faire des points et relayer l’information pendant que les autres équipes déblayent les routes, visitent les habitants sinistrés à reloger… La nuit sera sûrement longue. Pour ma part il est temps de partir cette fois-ci.
Quelle aventure. Que dire ?
Trouver les domiciles des victimes est parfois de l’ordre du miracle. Pénétrer dans leur intimité, flirter avec la misère humaine. La solitude des uns, la détresse des autres. La pauvreté. Le manque d’hygiène.
Faire face aux incivilités, aux propos désobligeants des citoyens.
Etre SP, c’est faire preuve d’une grande souplesse, un savoir-faire fort complexe et vraiment riche. Un véritable esprit d’équipe et de cohésion. On trouve toutes les classes sociales et force est de constater que des soignants viennent prêter main forte sur la base du volontariat…
Pour faire face, chacun y va de sa ressource. Il y a ceux qui plaisantent tout le temps. Je pense à Laurent avec sa superbe blague qui tournait en boucle ; ceux qui sont plus dans la retenue, je pense à Franck. Il y a ceux qui tiennent à voir leur match de foot pour finalement partir en inter et au retour s’endormir devant la télé. Je pense à Thomas. David et ses courses de moto dans la salle de cinéma et son attrait légendaire pour la cuisine. Ça chambre fort ! Il y a ceux qui demeurent fort en retrait, très discrets, je pense à Amandine, ceux qui préparent leur concours de sapeur professionnel, la sublime Leslie ; et puis il y a ceux qui racontent, se livrent, c’est parfois moche, très moche… Très très moche même. Une tonne de moments humains partagés… Samehra, Jean Manuel de St Julien…
J’ai eu la chance d’assister à un temps de vie extraordinaire. Le retour sur terre est fort.
Je restitue émotionnellement quelques jours plus tard, comme toujours. Je retrouve les acteurs d’une partie de mon quotidien et j’observe la relativité des choses… Les futilités de la vie. Je suis silencieuse. Je ne dis rien. Mes proches accueillent mes valises.
J’adore mon métier. Merci au SDIS30, Éric, Frédéric, Anne-Marie sans qui ce reportage n’aurait pas pu exister. Merci de la confiance qu’ils m’ont accordée. Merci aux acteurs* des cinq gardes que j’ai traversées. Merci de m’avoir incluse dans cette caserne, ces aventures, ce quotidien, cette intimité parfois même et pour m’avoir prise en compte dans chaque intervention..
Je me sens prête à faire face à d’autres situations, à vivre de nouvelles aventures, en mode expert. Ainsi, je sollicite le SDIS07.
*Les différents acteurs sur ce projet, espérant n’oublier personne et dans le désordre : Frédéric, Anne Marie, Cyril, Philippe, Sébastien, Jérôme, David, Jonathan, Serge, Jean Manuel, Loïc, Franck, Amandine, Samehra, Alexandra, Laurent, Leslie, Thomas, Léo, Axel, Sofiane, Matisse, Marine, Michael, Nadia, Benjamin, Béatrice, Sylvain, Coralie.
En savoir plus sur le métier de pompier et son organisation.
*je me suis peut être un peu enflammée