Si ce n’est pas le paradis…
Ça y ressemble… Comment parler de la Corse comme un endroit ordinaire ?
Depuis plusieurs mois, je voulais retourner en Corse. Le temps imparti, les contraintes sanitaires… J’abandonne l’idée jusqu’à ce samedi 28 août, 2 heures du matin. Sur un coup de tête, je prends des billets de ferries. Il me reste quelques heures pour arriver au port de Nice. Je me plais à retrouver cette douce folie de l’inattendu, cette fameuse urgence du bonheur qui habite chaque instant de ma vie.
Troisième périple sur l’île de beauté, troisième coup de cœur. Inutile de compter le temps en voiture. Si les distances sont courtes, les routes sont comme en Ardèche, étroites et sinueuses. Pleines de merveilleuses surprises.
Embarquement prévu à Nice. « Le bateau aura du retard ». Une petite promenade des anglais s’impose. Des forces de l’ordre partout, vraiment partout. Un enfant se fait photographier avec un homme armé. Surprenant. Les alentours du port se donnent des airs d’Italie, avec ces séduisants volets à double ouverture. J’imagine aisément la douce atmosphère ambiante, tamisée, douce et chaleureuse. Je suis conquise.
Le temps est un peu distendu. Il serait pourtant sage de retrouver la voiture pour embarquer à 20h, comme indiqué par l’agent de Corsica Ferries qui nous appelle et nous presse.
Le plaisir amer de voir le bateau partir sans nous…
Seule notre voiture signale sa détresse désespérément, inlassablement, abandonnée au milieu du parking alors que le bateau s’éloigne lentement.
« Vous pouvez attraper celui de Toulon. Il part à 23h30 ».
Nous ne ferons donc pas la connaissance de Nicole, notre hôte, prévue pour cette première nuit qui se fera sur le ferrie. Toute personne qui est allée en Corse doit normalement connaître le charme de la traversée nocturne où nous nous calons ici ou là dans un coin du bateau. Les plus averties gonflent un matelas. Nous : Non.
Débute alors un magnifique périple de cinq jours. Chaque moment est précieux et compté. Mais le temps se suspend. Un concentré d’émotions, de bonheur absolu, de contemplation, d’instant présent, d’extase. Cette beauté divine, comme toujours : Corsica.
L’île rousse est juste suprême. Elle nous accueille parfaitement avec toute sa douce bienveillance. L’eau est apaisée, translucide. Un temps de récupération, un accusé de réception. Nous y sommes. Et nous n’en revenons pas.
Ile de beauté, tu portes si bien ton nom.
Sur la route chaque montagne cache un magnifique panorama qui, comble de notre émotion, nous subjugue à chaque nouvelle courbe. A cet instant, notre souffle est court. C’est ainsi que nous arrivons à Porto, juste pour son coucher de soleil. Un verre de rhum, une plage de petits cailloux multicolores pour enrichir notre collection, et le soleil s’enfuit lentement, laissant derrière lui la promesse d’une nuit savoureuse et apaisée. Un liseré blanc sépare le ciel de la mer. Nous sommes entre ciel et terre.
Impossible de poursuivre ce récit sans évoquer le restaurant U ponce où nous allons juste rester démunis face à un délice de saveurs où la sincérité et la délicatesse cohabitent, dans une assiette juste généreuse. Lovés près de la cheminée qui lèche nos âmes de ses délicates flammèches au crépuscule de l’été, tout est juste parfait et c’est avec émoi que nous mesurons notre chance.
Une nouvelle journée merveilleuse nous attend avec une balade dans Porto. Des contraintes de pass sanitaire nous imposent un passage par la pharmacie de Propriano. C’est par les époustouflantes calanques de Piana que nous rejoignons le village pour assumer nos impératifs tels des vacanciers contemporains du nouveau monde. Enfin la plage de Portigliolo semble propice pour flirter avec quelques pas de salsa…
Quelques heures passées en voiture et voilà que le port de Bonifacio nous accueille avec toute son arrogance. D’insolents yachts s’étalent de toute leur impudeur, les uns plus gros que les autres. Un concours de celui qui aura le plus gros. On dépasse l’indécence. Alors que de jeunes requins gravitent autour des éclairages de ces immeubles mobiles, des badauds se font photographier de façon incongrue caressant le rêve de fouler un jour ces sols humides. Des petits restaurants se veulent huppés et proposent des entrecôtes pour la bagatelle de 95€. Des personnes accoutrées font office de décor, c’est tout à fait vide de sens. Tout ce que j’adore. C’est plus loin que nous mangerons un bout dans un lieu plus authentique où le patron discute de choses ordinaires. Pourtant, de par sa posture et son accent, on pourrait imaginer que nous avons à faire à un parrain de Mafia qui prépare un coup monstrueux. Nous sommes bien sûr fort amusés par le charme Corse.
Un hôtel somptueux nous attend à Porto Vecchio. Nous sommes fort bien tombés. Mais la douche est glaciale le lendemain quand on se rend compte que leur mode de booking réserve de mauvaises surprises. Je ne perds même pas de temps à évoquer l’accueil juste lamentable et pitoyable à la réception alors que la personne en charge des petits déjeuners est juste un amour de femme, consciente du sens du service et du prendre soin. Qu’à cela ne tienne.
Palombaggia nous attend de toute façon. C’est ce qu’il faut retenir. Nous pénétrons au cœur de nos attentes, de nos désirs.
Mais le meilleur reste à venir.
Je l’attendais tellement.
Elle n’a pas changé.
Irrésistible, somptueuse, éblouissante. C’est bien à Santa Giulia que je demande à être abandonnée. Je suis profondément émue. je ne dis plus rien, je regarde la personne qui m’accompagne, ses yeux sont le reflet parfait de la mer tyrrhénienne. Voilà quoi. Nous y sommes. Promesse tenue : le Golfe de Santa Giulia. Je suis retournée. La carte postale vivante. La paix m’habite. Non : la paix nous habite. Le temps s’arrête. Un long moment de contemplation dans le plus tendre des silences ; un spot créé juste pour nous où les algues, au fil des marrées, se sont déposées, ont séché, une à une, jusqu’à créer un moelleux tapis des plus douillets. Au delà de nos attentes. Santa Giulia et son sable blanc, son eau à 30°. Les mots me manquent. Je pourrais tout à fait vivre quelque temps sur ce rocher. Loin des regards indiscrets. Avec une vue imprenable sur ce bout de paradis. Ici, tout me suffit. Tout. Vraiment tout.
Nous nous étions promis de retourner à Bonifacio pour en apprécier ses fortifications, de jour. Chose faite. Village bourré de charme bien évidemment. Non loin des escaliers du Roy Aragon, un mur chargé d’histoire accueille des gravures de tous ordres. Nous y laissons trace de notre passage au travers de quelques amusements enfantins. Comme il est bon d’être insouciant. Loin de nos charges mentales, quelles que soient nos passions. Une expo juste sublime de Zani aux couleurs éclatantes, un restaurant tout à fait original, au cœur du village organisé sur plusieurs bâtiments, un musicien fort talentueux… des ruelles étroites maintenues les unes aux autres, à flanc de falaise.
Demain nous repartirons. Une dernière nuit à Porticcio au plus près du port présumé de départ d’Ajaccio. Un réveil fort tôt pour quelques dernières salsas en bord de plage privée alors que le soleil nous promet déjà une chaleureuse journée. Par acquis de conscience je regarde notre billet de retour qui indique un départ dans une semaine ! Mais Sophie, où étais-tu ? Si seulement !
Je change nos billets et c’est de l’île Rousse que nous partirons finalement. La boucle sera ainsi bouclée. La plage de nos premiers instants sur l’île nous attend, inlassablement. Un autochtone nous invite à nous installer. Aujourd’hui, un doux alizé caresse nos visages émus, nos corps légers et suspendus, nos cœurs serrés, pendant que ce personnage nous indique « qu’il ne fait pas beau aujourd’hui ». Sublime Île de beauté. Nous devons te laisser.
Quant au retour ? C’est le retour…